dimanche 15 avril 2012

"ça sent la merguez!" (Bien vu, Figaro, lundi 16 avril 2012)

Le journalisme, c’est l’art de faire du plein avec du vide. Il n’est qu’à voir la très artificielle pression entretenue par les médias, dimanche, en amont des meetings de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. Compte à rebours pataud, métaphores boursouflées, grandiloquence larvée : tout est bon pour faire monter la tension d’un double événement qui ennuie tout le monde. Les principales victimes de ces symposiums « statiques et festifs » sont surtout les automobilistes parisiens. Depuis l’aube, les sirènes de la télévision brament l’alerte d’une « journée noire », commencée sous le signe de l’extase gymnique (le Marathon de Paris) et culminant avec ce bien morne « match du siècle ». Car le sport –dans son acception la plus spectaculaire- est le champ lexical de rigueur, en ce dimanche 15 avril. « Duel à distance » , dit Claire Chazal, sur TF1, « Nicolas Sarkozy et François Hollande s’affrontent à coup de meeting géant » , serine BFMTV, comme si ces rassemblements étaient autant de massues, de tromblons et de sarbacanes. Il faut bien donner du corps à ces pensums, car, quand le muscle est mou, on le rattrape à la gonflette. Et les correspondants télévisuels in situ de nous balancer leurs colonnes de chiffres, façon concours du boeuf gras. De part et d’autre, on se rêve 60 000 militants. Côté Sarko, on plastronne avec 5 écrans géants, 10 TGV et 400 cars. Côté Hollande, on fait le grand écart musical (zouk et guinguette), on souffle des ballons, on allume des barbecues. Les cheveux giflés par le vent de cette journée saumâtre, Apolline de Malherbe (BFMTV) précise combien « ça sent la merguez !» . Chacun le sait : de la politique à la saucisse, il n’y a qu’un pas.

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