jeudi 7 juin 2012

Val’ qui râle ou Val’ qui rit ? (Bien vu, Figaro, 8 juin 2012; version avant édulcorage)




Avec Valérie Trieweiller, finis le glamour et les paillettes. Accueillant à son domicile parisien un journaliste de France Inter (lequel précise, plein de cautèle, qu’elle a « accepté »  de répondre à ses questions) Tatie Valérie s’explique. Première dame ? Ah ça non ! C’est un rôle, pas un statut. Dépoussiérons tout ça ! Son credo : « je ne suis pas différente des autres femmes ». Sa mission ? Le bénévolat au service des Français. Avec sa morgue de dame patronnesse et son timbre de chaisière offusquée, on l’imagine fort bien sonnant le carillon de l’Armée du Salut. Une moniale généreuse, à l’écoute, dont il ne faut pas égratigner la cornette. « Dès qu’une femme a un peu de caractère, oulala elle fait peur ! », clabaude-t-elle, agacée qu’on brocarde son ton cassant et ses regards acides. Pas facile, en même temps, de rester journaliste en partageant un polochon à l’Elysée. Mais cette suffragette modèle n’entend pas vivre au crochet de l’Etat, encore moins de son « compagnon ». Elle a charge d’âmes et des bouches à remplir. Les enfants de gauche nourris sous la mère républicaine ont suffisamment fait jaser. Finies les mazarinades : Valoche sera journaliste, encore et toujours. « Pour moi, c’est vital ». Et si sa foi flanche, elle invoque les mânes d’Eleonor Roosevelt, modèle quasi avoué. On se demande maintenant quel sera son gimmick, sa marque personnelle. Anne-Aymone avait son brushing, Bernadette ses pièces jaunes, Carla sa guitare ; que reste-t-il à Valérie ? Une filiation, peut-être. Sa première action sera archéologique : sauver la « Fondation Danièle Mitterrand », qui bat sérieusement de l’aile. Valérie aime les momies. Ça promet !






Poujade au frigo


Une décennie après le Loft et sur les décombres de mille navrants télé-crochets, France 5 nous propose un oxymore révolutionnaire : le reality show qui pense. Mieux : le reality-show écoresponsable. Pour lutter contre la malbouffe, la ravissante Eglantine Eméyé impose à cinq familles toulousaines une étrange disette : durant trente jours, ils ne devront consommer que des aliments produits dans un rayon de 200 kilomètres. Ils seront « locavores ». In abstracto, ça parait faisable. En vrai, c’est plus duraille. On s’en doute : adieu sodas, ketchup, bonbons ! Mais il faut aussi vouer aux gémonies le café, les pâtes, le lait d’Allemagne, le jus d’orange de Floride, voir le sel de Camargue… Bref : c’est la table rase en cuisine, l’an 01 au frigo. L’épreuve est d’autant plus difficile que certaines de ces familles portent (hélas) sur le tour de taille les stigmates d’une alimentation déséquilibrée. On se doute que les producteurs de l’émission auront pris soin de choisir un panel représentatif du consommateur toulousain : une mère célibataire et ses trois ados râleurs ; une famille de méridionaux replets et rigolards ; un jeune couple de bobos régressif et leur toutou… On remarquera toutefois que ce choix reste lui aussi centré sur les 200 km du cru. On est dans le 100 % français, ce qui n’est guère révélateur de la diversité sociale de la région toulousaine. Cette monochromie finit d’ailleurs par donner un côté joyeusement poujadiste à l’exercice. Que voit-on, après tout ? Des petits bourgeois qui s’acharnent à manger français, boire français, cuisiner français, « comme papy et mamie ». A France 5, la terre ne ment pas. 

200 km à la ronde, France 5, 20 h 35