mardi 21 juin 2011

La musique a mal au coeur (Figaro, 21 juin 2011)


La version jeune con (publiée)

Les trente ans de la Fête de la Musique ? La belle affaire ! Que célèbre-t-on, au juste ? Trois décennies de gloubi-boulga musical, de salmigondis sonore, de garbure pseudo-mélodique. Lancée à l'été 1981, en plein tsunami rose, cette fête a pris racine dans un pléonasme. En effet, pourquoi fêter ce qui est déjà fête, ce qui est joie, plaisir ? La musique est un art par essence impalpable et volatile, qui exprime l’esprit même de la fête. Lui greffer une grande kermesse républicaine et démagogique ne pouvait rien lui apporter de bien, sinon des rides et quelques verrues. Car si l'on fait le bilan de 30 ans, que reste-t-il ? Pas grand-chose, très franchement. Bien sûr, il y a eu de beaux moments. A l’origine, la fête de la musique avait pour but astucieux, généreux et sincère de décloisonner les genres et de laisser dialoguer des voix à priori opposées. Mais au bout de trente solstices le ressort semble cassé. Sous prétexte d'échange et de métissage tout se noie désormais dans une confusion des styles qui n'aboutit qu'à la grisaille. On ne célèbre pas la musique mais le bœuf gras : c'est à qui prendra le plus de place. Les artistes ne dialogues pas, ils se compilent, se superposent, s’entassent. Nous vivons dans un pays où la vie musicale est suffisamment dense, riche et variée pour ne pas la consommer en pan-bagnat, avec un oeuf à cheval. Trente ans : un anniversaire ? Non : une gueule de bois.


La version vieux con (pour le plaisir)

Les trente ans de la Fête de la Musique ? La belle affaire ! Que célèbre-t-on, au juste ? Trois décennies de gloubi-boulga musical, de salmigondis sonore, de garbure pseudo-mélodique. Lancée à l’été 1981, en plein tsunami rose, cette fête a pris racine sur un pléonasme. En effet, pourquoi fêter ce qui est déjà fête, ce qui est joie, plaisir ? La musique est un art par essence impalpable et volatile, qui exprime l’essence même de la fête. Lui greffer une grande kermesse républicaine et démagogique ne pouvait rien lui apporter de bien, sinon des rides et quelques verrues. Car si l’on fait le bilan de 30 ans, que reste-t-il ? Des décibels à foison, des vitres brisées, des voitures brûlées, des beuglements avinés et ce fumet de merguez qui poisse les vêtements et la mémoire. Bien sûr, il y a eu de beaux moments, mais tout se noie dans une confusion des genres et des styles qui, sous prétextes d’échange et de métissage, n’aboutit qu’à la grisaille. On ne célèbre pas la musique mais le bœuf gras : c’est à qui fera le plus de bruit. Pauvres formations chambristes, égarées dans des venelles, écrasées par une sono voisine, poussée à bloc, à ruiner les tympans. Triste répertoire jazzy, compressé comme au métro, incapable de survivre devant les beuglements du moindre petit excité rockoïde. Enfin, nous vivons dans un pays où la vie musicale est suffisamment dense, riche et variée pour ne pas la consommer en pan-bagnat, avec un œuf à cheval. Trente ans : un anniversaire ? Non : une gueule de bois.