lundi 12 avril 2010

Charmant "Mignon" à Favart (Figaro, 12/04/2010)



La nostalgie a toujours du bon ! Pour trouver un Mignon aussi soigné, aussi cohérent que celui proposé à la salle Favart, il faut remonter aux années 50. Voilà un spectacle tel qu’on put en voir nos grands parents : bien chanté, intelligemment dirigé, mis en scène avec astuce et discrétion par Jean-Louis Benoît, faisant la part belle aux décors de Laurent Peduzzi et aux costumes de Thibaut Welchlin. Bref, ce Mignon témoigne une fois de plus de cette esthétique du « bon goût » (au meilleur sens du terme) que prend l’Opéra-Comique depuis qu’il est sous la double houlette de Jérôme Deschamps et Olivier Mantei. Pas de fausses notes ni de provocation bêtasse, mais un classicisme sans ringardise et un sain respect des œuvres présentées. Avec Mignon d’Ambroise Thomas (1866), il y avait pourtant de quoi ricaner. Le « Wilhelm Meister » de Goethe revu à la sauce Badinguet, ça vaut son pesant de nougat. Mais ne nous moquons pas trop vite, car le livret de Barbier et Carré est impeccablement fagoté, et la musique de Thomas d’une constante efficacité. Du vivant du compositeur, l’œuvre fut même jouée plus de 1000 fois dans la seule salle Favart ! Et il ne fait pas de doutes que tonton Ambroise eut apprécié la lecture enamourée et nerveuse qu’en donne François-Xavier Roth, à la tête d’un philarmonique de Radio France remarquablement « bridé ». Malgré un dispositif orchestral relevant de l’archéologie (le chef est face au public), Roth couve un chœur de luxe (excellents Accentus) et une équipe de chanteurs faisant honneur à cette musique si facile à abimer. Nicolas Cavallier, Christophe Mortagne, Blandine Staskiewicz et Frédéric Goncalves chantent et disent le français avec le style qui s’impose. En Malia Bendi-Merad, Favart a trouvé l’une de ces coloratures qui firent la gloire du « Comique ». Il y a du Mesplé dans cette Philine pétaradante et finement peste. Quant au Mignon de Marie Lenormand, il est noble, émouvant et d’une profonde musicalité, car la mezzo est habitée par son rôle. En revanche, si le ténor espagnol Ismael Jordi possède le timbre solaire et la souplesse vocale nécessaire à Wilhelm Meister, il parle le français avec l’accent du général Alcazar. Olé !

Opéra Comique, jusqu’au 18 avril, res : 08 25 01 01 23

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