jeudi 12 novembre 2009

Grétry revit à Versailles (Le Figaro, 12/11/2009)




«L'Amant jaloux» à Versailles : charmant mais trop sage

À l'Opéra royal, le Centre de musique baroque ressuscite ce petit chef-d'œuvre de Grétry.

D'aucuns ont surnommé André Ernest Modeste Grétry (1741-1813) le « Mozart français ». Ce genre de comparaison est toujours hasardeuse, voire gratuite. Reste que son Amant jaloux (1778) brille d'une légèreté, d'une vie et d'un allant particulièrement mozartiens. Contemporain du père de Cosi, on sent que Grétry a baigné dans une même Europe, faite de badinages faussement sereins. Disons que L'Amant jaloux semble un trait d'union entre l'Ancien Régime et les opéras-comiques de Boieldieu, Hérold ou Auber. Une musique française, assurément. Une musique qui a parfaitement sa place dans l'admirable écrin de l'Opéra royal de Versailles (mais Dieu qu'on y est mal assis !).
Pas la moindre incartade
Une musique que le chef Jérémie Rhorer et son Cercle de l'harmonie ont très bien comprise, exaltant son étonnante richesse mélodique et son inventivité de chaque instant. Car c'est beau, L'Amant jaloux ; ravissant, même ! On serait presque navré de la platitude de son livret, qui est un sot chassé-croisé sentimental avec nobliau espagnol, jeune veuve éplorée, beau chevalier français et soubrette mutine.
Au risque de dénaturer un brin l'intrigue, il aurait fallu en « lifter » le livret et flirter parfois avec le second degré. Las, la mise en scène de Pierre-Emmanuel Rousseau est d'un respect scrupuleux qui tourne à la platitude. Se reposant sur les charmants décors en toile peinte de Thibaut Welchlin, il n'a pas osé la moindre incartade, ce qui est dommage. Toute aussi sage est la distribution vocale, homogène mais sans éclats. Dans le rôle de Léonore, Magali Léger fait montre de son abattage habituel, mais elle peine à vocaliser des airs d'horlogerie ne souffrant aucune faiblesse. Maryline Fallot est pour sa part idoine en Jacinte, la servante « de caractère ». Annoncé comme souffrant (une coquetterie ?), le ténor canadien Frédéric Antoun domine sans peine le plateau. Son exquise sérénade « D'abord, amants soumis et doux » est l'un des plus jolis moments du spectacle.
Faisons enfin une mention spéciale au programme : pour dix euros, ces presque trois cents pages sont d'une remarquable richesse. C'est si rare !

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