lundi 30 novembre 2009

Dialogues des carmélites à Toulouse (Figaro, 30/11/2009)




Qui ne pleure pas à la fin des Dialogues des carmélites est un cœur de pierre ! La décollation de ces religieuses arracherait des larmes à Émile Combes lui-même… Le texte de Georges Bernanos, la partition de Francis Poulenc et la redoutable puissance dramatique du sujet (le massacre d'un couvent aux heures les plus sombres de l'horreur révolutionnaire) font de cet opéra créé en 1957 un des chefs-d'œuvre du genre.
Montée en 1995 à la Halle aux Grains de Toulouse, la production de Nicolas Joel avait marqué. Quatorze ans plus tard, tandis que le Théâtre du Capitole est en travaux, les spectacles se font à nouveau « hors les murs ». C'est pourquoi a été ressorti le beau décor d'Hubert Monloup, pour une production qui n'a rien perdu de sa force théâtrale. Dans cette salle malcommode et à l'acoustique bien sèche, Stéphane ­Roche a remonté cet opéra que Nicolas Joel avait conçu comme une sorte de requiem, conduisant à l'apothéose sanglante de la guillotine.
L'émotion en moins
Cette œuvre au texte complexe doit être dite avec une vraie science de la langue. C'est le cas pour (presque) toute la distribution. La Blanche de la Force de Sophie Marin-Degor est toute en retenue, presque hautaine, voire janséniste. Si son incarnation est sans ­tache, on la voudrait plus animée. On aimerait voir dans ce rôle la toujours impeccable Anne-Catherine Gillet, qui donne au personnage de sœur Constance sa fraîcheur blessée, son tempérament théâtral et son intelligence musicale. La prieure de Sylvie Brunet brûle pour sa part de ferveur et de justesse. Et sa mort donne le frisson. Du côté des hommes, Nicolas Cavallier, Léonard Pezzino et Gilles Ragon donnent trois belles leçons de « chant français ».
Enfin, à la tête de l'Orchestre national du Capitole, Patrick Davin opte pour une direction globalement sèche, analytique et très « XXe siècle ». Si la partition gagne en lisibilité, elle perd peut-être en émotion. Ce qui n'est pas un mal, car l'équilibre se fait avec un spectacle jouant superbement la carte du péplum tragique.

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