dimanche 25 octobre 2009

Gustavo Dudamel en répétition (Figaro, 23/10/2009)




« On n’a jamais vu autant de personnes à une répétition ! »
Il faut dire qu’en ce pluvieux après-midi du 21 octobre, les curieux (autorisés) s’entassent au studio 103 de la maison de Radio France. Ce qui s’y passe ? Le jeune chef vénézuélien Gustavo Dudamel répète la Symphonie Fantastique de Berlioz.
Mais le véritable événement est ailleurs : aux musiciens du Philarmonique de Radio France sont mêlés ceux de l’«Orchestre Simon Bolivar des jeunes du Venezuela ». Au total : 300 instrumentistes !
On est aussitôt frappé par la différence des âges et des faciès. Les membres du « philar » sont de pâles Européens nourris au lait écrémé; ceux du Bolivar ont le teint mat, le cheveu brun et des profils andains en bec de condor. Ils ont tous entre 18 et 25 ans. Ils portent T-Shirt, tatouages, boucles d’oreille, casquettes de base-ball, canettes de 7up. Des silhouettes de gang dans la série The Shield. Mais il n’y a aucune agressivité, bien au contraire ; on les sent conscients de leur chance, tous ces jeunes que la musique a tiré des favelas. Ils sont détendus, potaches, farceurs, enjôleurs, tout ébahis d’être ici.
« Ils sont intimidés, confie pourtant une responsable de l’orchestre, Gustavo doit aller les voir un par un pour leur dire de s’asseoir et de se mêler à leurs homologues du philarmonique ». Intimidés ? A d’autres ! Disons que la simple vision de leur chef les galvanise… comme elle électrise tout le monde dans le studio 103.
Une violoniste hispanophone du philar souhaite « bienvenida » aux Bolivar, puis Dudamel entre en scène au son d’un « Bonjour ! Bon après-midi ! Let’s play !».
Franche bouille poupine, teint laiteux, polo rayé, pas bien grand, plutôt râblé, très tactile, un poil grassouillet, Dudamel pétille de bonhomie constructive.
On a déjà beaucoup parlé de son magnétisme : un mélange d’humanité et de précision ; un savant sens du spectacle mâtiné d’une profonde connaissance des œuvres. Dont acte : une fois en action, le jeune maestro grimace, tape du pied, pousse des rugissements muets (ou pas !). « Flexible! », « good ! », « appasionatooooo ! », glapit-il pour scander sa battue souvent volcanique. Cette Fantastique porte bien son nom : Dudamel en offre une vision dionysiaque et presque hystérique. La fameuse valse du second mouvement « Un Bal » est acérée, voire agressive. On y sent cette folie latente de l’artiste décrite par Berlioz.
Mais sous le virtuose rôde toujours le pédagogue : Dudamel s’applique à mettre en valeur chaque couche sonore. Il dissèque autant qu’il vrombit.
Les élus qui ont le droit d’assister au « spectacle » éprouvent le sentiment quasi mystique d’être dans le son. Mais si l’on quitte le chef des yeux, on peut remarquer cette violoniste vénézuelienne en tenue rose et moulante, se rattachant longuement les cheveux, dans une pose alanguie qui dégage son nombril. Ses voisins mâles du philar en rosissent ! La nymphe sait qu’on la remarque. Elle fait un œil de biche, une grimace dédaigneuse, puis reprend son instrument. La musique est une respiration si naturelle…

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