dimanche 15 janvier 2012

Sexe (très) faible (Bien vu, Figaro, 16 janvier 2011)

Le X sera-t-il enfin un art à part entière ? Du moins un genre noble ? Créé voici juste vingt ans, le « Journal du hard » de Canal + a contribué à institutionnaliser, voire respectabiliser cette discipline. Belle intention, fier objectif, mais deux décennies plus tard, qu’en est-il ? Franchement, ce magazine n’a guère changé, flirtant avec les mêmes clichés, tissant les mêmes métaphores potachocoquines, brandissant désormais des idéaux qui font doucement sourire. Le numéro de samedi dernier était consacré au porno féminin : celui des actrices, des réalisatrices, des spectatrices. On y apprend qu’aujourd’hui une Française sur deux avoue regarder des films X. On y découvre que le plaisir féminin prend une place grandissante dans le monde du hard. On y constate que les actrices ne sont plus des victimes, mais des femmes fières de leur boulot. Grand bien nous fasse, mais malgré toutes ces encourageantes statistiques, le constat reste le même : le cinéma porno n’en finit pas de tourner le dos à l’inventivité artistique. Comme si l’imagination, la création, l’audace s’arrêtaient au seuil du slip. C’est toujours la même photo glacée et viandeuse, les mêmes gémissements insincères, les mêmes canapés en skaï mauve, les mêmes villas tropéziennes, les mêmes bimbos botoxées, les mêmes étalons huileux aux proportions effarantes. On enrobe aujourd’hui cette imagerie d’un sabir féministoïde mais cela ne change rien à l’affaire : le X semble à jamais mort-né. Oshima, Bellochio, Lars Von Trier et quelques autres ont essayé d’introduire le corps brut dans l’image cinématographique. N’étaient ces francs-tireurs, le X campe à la boucherie. Et pour longtemps.

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