À toute époque de son histoire, l’homme s’est vu réduit à du
bétail. Esclave sous l’antiquité, chair à canon durant les guerres, insecte
nuisible aux yeux d’idéologies mortifères : l’être humain en a beaucoup bavé.
Aujourd’hui que nos sociétés occidentales se croient « civilisées », on a cessé
le massacre. Disons que le curseur s’est déplacé et que notre animalité est
devenue un objet d’étude et de spectacle. Ainsi, une émission comme « La Belle
et ses princes presque charmants » est-elle une observation entomologique élevée
au rang de divertissement. Blonde bimbo méridionale, Marine (!) est enfermée
dans une maison avec 20 prétendants : 8 chippendales débiles et bronzés, 12
geeks binoclards et câlins. À elle de faire son choix entre l’amour du corps et
celui du coeur. D’un côté : des basketteurs peroxydés ; de l’autre : des
rouquins rachitiques ou grassouillets. Et Marine de hululer, de dandiner, de
roucouler, philosophant à loisir sur les élans du coeur. L’auteur de cette
chronique défie quiconque de tenir plus d’un quart d’heure devant un spectacle
aussi affligeant. Le téléspectateur a le sentiment de tomber sur une de ces
revues médicales pour légistes ou dermatologues, dont les seuls spécialistes
peuvent supporter la vision. Jadis, des médecins faisaient des expériences sur
des cobayes vivants. Aujourd’hui, ce n’est guère mieux. On jette une faune
inepte dans un tube à essai, on agite le tout, et on regarde cette humanité
indigne de son nom croupir dans sa bêtise, son inculture et sa laideur. Le
naturalisme avait un sens lorsqu’il était transfiguré par l’art. Ici, on
contemple la piteuse agonie d’un zoo. La mort annoncée d’une espèce en fin de
règne. Atroce.
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