jeudi 3 mai 2012

Dubois ou du cochon ? (Figaro, 4 mai 2012)


L’artiste maudit a bonne presse. Je parle de ces créateurs, victimes de leur époque ou d’une postérité vacharde, dont l’oeuvre disparaît des mémoires à l’heure même de leur mise en bière. Heureusement pour eux, certains esprits nécrophages tentent un jour ou l’autre de les réhabiliter. Ainsi Vermeer, La Tour, Lovecraft et tant d’autres doivent-ils leur éternité à des âmes généreuses ayant su les dépoussiérer. La musique classique n’échappe pas à la règle, comme en témoigne la marée baroqueuse (enfin essoufflée) qui a déferlé sur les théâtres lyriques pendant plus de trois décennies.
Quelques années plus tôt, on redécouvrait les grands phares du bel canto romantique en exhumant les trésors méconnus de Rossini, Bellini et Donizetti. Aujourd’hui que ces viviers semblent épuisés, que nous reste-t-il ? Les grands pontes de l’académisme, semble-t-il. Le festival consacré par le Palazetto Bru Zane à Théodore Dubois (1837-1924) n’est pas sans rappeler la grande exposition Jean Léon Gérôme, l’an dernier, à Orsay. Tous deux incarnent les ors et lambris d’un art officiel et « bien élevé » , ancré dans les honneurs de son temps. Mais si l’on peut aimer Gérôme pour un kitsch que le recul rend savoureux et décalé, on sera plus sceptique quant aux satisfactions provoquées par l’audition des oeuvres complètes de tonton Dubois. Rien de honteux, bien sûr, puisque cet homme de métier connaissait son affaire et faisait preuve d’un sens de l’équilibre qui devait le conduire sous la Coupole.
Mais ressusciter Théodore Dubois est-il une priorité, quand on ne joue presque jamais Albéric Magnard ou Déodat de Séverac ? Quand la musique de Vincent d’Indy reste méconnue ? Quand le sublime Roi Artus d’Ernest Chausson n’est monté dans aucune salle d’opéra ? Quand les quatre-vingts pour cent de l’oeuvre d’Offenbach attendent d’être redécouverts ? Quand Reynaldo Hahn est encore considéré comme un musicien de salon ? Imaginons-nous dans cent ans nos arrièrepetits-enfants regardant avec mépris les livres de Houellebecq pour leur préférer Pierre-jean Remy ? Allons, allons…

La Dame Pippa (Bien Vu, Figaro, 4 mai 2012)


la version recalée :

Chaque époque a ses starlettes, ses divettes, ses gloires éphémères. Nymphes d’un soir, icônes d’un jour, leurs formes enjôleuses sont le miroir des fantasmes du moment : elles n’illustrent rien d’autres que du vent. Le cas de Pippa Middleton n’échappe pas à la règle. Propulsé vedette planétaire par le jeu des réseaux sociaux, son fessier est plus célèbre que le Christ, plus arrogant qu’Attila et plus souriant que l’ange de Reims. La belle sœur du futur roi d’Angleterre n’est pourtant rien d’autre qu’un ballon gonflé à l’hélium médiatique, s’élevant au-dessus de la mêlée avec une triste morgue de baudruche en puissance. N’étaient ses courbes, cette greluche est même d’une parfaite inanité, et l’on voit combien les réalisateurs de l’émission Biographie ont dû ramer pour trouver du grain à moudre. Que dire sur l’inerte Pippa, après tout ? Que son joli minois ravaude une famille, dont les membres royaux ont des airs de juments flappies et de baudets à gencives ? Cela couvre cinq minutes, pas trois quart d’heure. Il fallait donc meubler… Raison pour laquelle a été convoquée une kyrielle de spécialistes ès peopologie. Œuvrant dans ces monuments de l’intégrité journalistique que sont Ok magazine, People magazine, Touch weekly et autre Powerwoman TV, ces nornes botoxées se livrent à une édifiante exégèse de « l’effet pippa ». Il faut les voir analyser les simagrées de leur idole avec un snobisme de carlin et une arrogance de dame pipi. Le collagène en cul de poule, toutes commentent la geste de miss Middleton tel Ambroise Paré à sa première ligature. Ce qu’on en retient ? Que la vie est trop courte pour perdre 45 minutes à disséquer une grue. 

la version publiée :

Pippa et ses ouailles
Chaque époque a ses starlettes, ses divettes, ses gloires éphémères. Nymphes d’un soir, icônes d’un jour, elles sont le miroir des fantasmes du moment, n’illustrant rien d’autres que du vent. Le cas de Pippa Middleton n’échappe pas à la règle. Propulsé vedette planétaire par le jeu des réseaux sociaux, cette jeune femme est aujourd’hui plus célèbre que le Christ et plus souriante que l’ange de Reims. La célébrité de la belle sœur du futur roi d’Angleterre n’est pourtant rien d’autre qu’un ballon gonflé à l’hélium médiatique. N’étaient ses frasques mondaines et sa robe blanche le jour du mariage royal, la vie de Pippa Middelton n’a pas plus de relief que les champs de la campagne anglaise. C’est bien pour cela que  les réalisateurs de l’émission Biographie ont dû ramer pour trouver du grain à moudre. Que dire sur Pippa, après tout ? Que son joli minois illumine les Windsor, famille dont les membres ont tous le sourire de Fernandel ? Cette information couvre cinq minutes, pas trois quart d’heure. Il fallait donc meubler… Raison pour laquelle a été convoquée une kyrielle de spécialistes ès peopologie. Œuvrant dans des journaux tels que Ok magazine, People magazine, Touch weekly et autre Powerwoman TV, ils se livrent à une édifiante exégèse de « l’effet pippa ». Il faut les voir analyser les simagrées de leur idole avec un snobisme de carlin et une arrogance de dame pipi. Affectant la hauteur de l’archiprêtre en chaire, toutes commentent la geste de miss Middleton tel Ambroise Paré à sa première ligature. Ce qu’on en retient ? Pas grand-chose, sinon que la vie est trop courte pour perdre 45 minutes à feuilleter un tabloïd.