jeudi 15 avril 2010

Le NEO nouveau est (presque) arrivé: il paraît en mai...

Arrêtés par la police parisienne, les trois plus grands cuisiniers de la planète sont accusés d'avoir assassiné un médecin, au terme d'un rituel aussi cruel que sophistiqué...

C'est ma petite mignardise du printemps (50 pages...)

lundi 12 avril 2010

Charmant "Mignon" à Favart (Figaro, 12/04/2010)



La nostalgie a toujours du bon ! Pour trouver un Mignon aussi soigné, aussi cohérent que celui proposé à la salle Favart, il faut remonter aux années 50. Voilà un spectacle tel qu’on put en voir nos grands parents : bien chanté, intelligemment dirigé, mis en scène avec astuce et discrétion par Jean-Louis Benoît, faisant la part belle aux décors de Laurent Peduzzi et aux costumes de Thibaut Welchlin. Bref, ce Mignon témoigne une fois de plus de cette esthétique du « bon goût » (au meilleur sens du terme) que prend l’Opéra-Comique depuis qu’il est sous la double houlette de Jérôme Deschamps et Olivier Mantei. Pas de fausses notes ni de provocation bêtasse, mais un classicisme sans ringardise et un sain respect des œuvres présentées. Avec Mignon d’Ambroise Thomas (1866), il y avait pourtant de quoi ricaner. Le « Wilhelm Meister » de Goethe revu à la sauce Badinguet, ça vaut son pesant de nougat. Mais ne nous moquons pas trop vite, car le livret de Barbier et Carré est impeccablement fagoté, et la musique de Thomas d’une constante efficacité. Du vivant du compositeur, l’œuvre fut même jouée plus de 1000 fois dans la seule salle Favart ! Et il ne fait pas de doutes que tonton Ambroise eut apprécié la lecture enamourée et nerveuse qu’en donne François-Xavier Roth, à la tête d’un philarmonique de Radio France remarquablement « bridé ». Malgré un dispositif orchestral relevant de l’archéologie (le chef est face au public), Roth couve un chœur de luxe (excellents Accentus) et une équipe de chanteurs faisant honneur à cette musique si facile à abimer. Nicolas Cavallier, Christophe Mortagne, Blandine Staskiewicz et Frédéric Goncalves chantent et disent le français avec le style qui s’impose. En Malia Bendi-Merad, Favart a trouvé l’une de ces coloratures qui firent la gloire du « Comique ». Il y a du Mesplé dans cette Philine pétaradante et finement peste. Quant au Mignon de Marie Lenormand, il est noble, émouvant et d’une profonde musicalité, car la mezzo est habitée par son rôle. En revanche, si le ténor espagnol Ismael Jordi possède le timbre solaire et la souplesse vocale nécessaire à Wilhelm Meister, il parle le français avec l’accent du général Alcazar. Olé !

Opéra Comique, jusqu’au 18 avril, res : 08 25 01 01 23

samedi 3 avril 2010

Treemonisha au Châtelet (Figaro 02/04/2010)



Œuvre étrange et imparfaite, touchante et bâtarde, gourmande et mal ficelée, Treemonisha est l’unique opéra composé par l’afro-américain Scott Joplin (1868-1917). Toute sa vie, le roi du ragtime traîna ce rêve inachevé comme un boulet, et ne le vit jamais sur scène. Créé au début des années 70, cet opéra-parabole raconte les équipées d’anciens esclaves noirs luttant contre leurs propres superstitions pour mieux s’intégrer dans la jeune Amérique.
La nouvelle production du théâtre du Châtelet est la véritable création de cette œuvre en France, et on ne peut que s’en réjouir.
L’artiste plasticien Roland Roure l’a conçue comme une grande fable naïve, proche du conte pour enfants, avec une débauche de couleurs criardes et de formes oniriques. Sa vision est cohérente, mais trop de naïveté tend parfois à étouffer celle du livret, réduisant les personnages à de simples figurines. Il est vrai que le texte de Joplin, baigné de bons sentiments, prêche une tolérance évangélique pouvant faire sourire. Une direction d’acteur plus resserrée, plus tendue, aurait sans doute crédibilisé les personnages. Disons que la chorégraphe Blanca Li, qui a signé la mise en scène, est plus à l’aise dans les mouvements de foule, les chœurs, ou les parties dansées (impeccables et souvent jubilatoires) que dans les scènes intimistes, trop statiques.
La distribution, presque entièrement noire, est globalement homogène. Si la Treemonisha de Adina Aaron a commencé de façon tendue et hésitante, sa voix s’est assouplie au fil de la représentation. A ses côtés, le ténor Stanley Jackson peine dans le rôle de Remus, qu’il chante façon trompette bouchée. En revanche, le baryton-basse Willard White est nécessairement impérial en Uncle Ben patriarche. Et puis il y a Grace Bumbry… Certes, la mezzo américaine septuagénaire use avant tout de son charisme pour chanter la mère de l’héroïne (très mamie Nova), mais quelle présence ! Le public lui a d’ailleurs fait une juste ovation tandis que les artistes (belle élégance) la faisaient saluer en dernier. Dans la fosse, Kazem Abdullah dirige avec un poil de raideur un Ensemble Orchestral de Paris qu’on aurait voulu plus swinguant ; mais l’œuvre elle-même n’est pas toujours faite pour les épauler. Enfin, saluons les chœurs et les danseurs. Dans Treemonisha ils ont la part belle et le font partager. Et le public claque des doigts…

Châtelet, jusqu’au 9 avril, res : 01 40 28 28 40

lundi 29 mars 2010

Hilarant "Ô Carmen" (Figaro, 29/04/2010)


Certains spectacles sont à ce point gouleyants, à ce point roboratifs qu'on en sort le cœur en fête, avec l'envie d'alpaguer les badauds en trompetant:«Il faut voir ça!» Tel est l'effet produit par Ô Carmen.
Sous-titré Opéra clownesque, ce délirant one-man-show décrit en une heure vingt le montage d'une production de Carmen. Du casting des doublures jusqu'à la première, en passant par les répétitions, les engueulades, les grèves, les bavures, les coups de blues, le doute, la complaisance, les humiliations, c'est une véritable radiographie du monde lyrique que nous offre ce spectacle virtuose, bâti avec une efficacité implacable.
Écrit par Anne Reulet-Simon et mis en scène par Nicolas Vial, Ô Carmen repose avant tout sur l'extravagante performance du comédien-chanteur Olivier Martin-Salvan. Un comédien ? Bien plus : un mime, un clown, un transformiste, une sorte de Fregoli vocal, capable de jouer (et de chanter) tous les rôles de Carmen, du soprano léger de Micaëla aux basses pompeuses du toréador. Il est fascinant de voir cet homme seul en scène, accompagné d'un piano (excellent Aurélien Richard), évoquer tant d'images, avec un mélange de burlesque et de justesse. Car pour qui a déjà suivi les répétitions d'un spectacle lyrique, tout est là. Il y a même une étrange tendresse, voire une amertume, dans le tableau de ces chanteurs qui rentrent chez eux le soir, après les répétitions, pour se retrouver face à leur routine, leurs fantômes, leur indécrottable solitude. Martin-Salvan (qui a fait ses classes chez Novarina) sait casser le rire en une grimace. Tout un monde jaillit de sa face lunaire, sans âge, à la voix flûtée. Certains moments sont des merveilles de nonsense (la soprano obèse qui mange son carlin puis chante en aboyant), mais l'émotion toujours affleure. À l'heure où les coquelets de la variet' kidnappent le patrimoine lyrique pour d'indigestes brouets, voici un spectacle authentiquement grand public, qui fait aimer, chanter et rire l'opéra. Jouissif.
Théâtre du Rond-Point, jusqu'au 3 avril, Loc : 01 44 95 98 21, puis tournée en France jusqu'au 9 juillet.

mardi 16 mars 2010

Epatant "Street Scene" de Kurt Weill à Toulon (Figaro, 16/03/2010)


Par quelle étrange aberration Street Scene de Kurt Weil a-t-il dû attendre soixante-trois ans pour être monté en France ? Créé à New York en 1947, cette œuvre unique en son genre opère la synthèse entre la comédie musicale, le jazz, l’expressionnisme allemand, l’héritage puccinien, la musique afro-américaine, les préoccupations sociales du premier demi-siècle, le théâtre américain de l’immédiat après-guerre… Tout ça ? Mais oui : tout ça. Car là est bien le génie de Kurt Weill : Street Scene est une œuvre chorale au sens où les films d’Altman sont des films polyphoniques. Nous sommes à New York, dans un quartier populaire, présenté « en coupe ». Pendant deux heures, nous plongeons dans la vie d’une communauté hétéroclite (ouvriers, laitiers, immigrants, concierges, écolières, flics, huissiers, médecins), que va secouer un fait divers sordide : un mari jaloux tue sa femme et l’amant de celle-ci. Sous couvert d’anecdote, le livret d’Elmer Rice (inspiré de sa propre pièce) et la partition de Weill offrent un pur joyau de théâtre musical, balançant entre rire et larme, jazz et lyrisme, emphase et clin d’œil. Avec une bonhomie très américaine, Street Scene prend précisément le risque du composite pour mieux jongler avec les codes musicaux. Et c’est ce collage même qui fait de l’opéra un brillant produit du melting-pot, aboutissant à l’œuvre à la plus américaine qui soit. En ce sens, Street Scene semblera même plus abouti que Porgy and Bess de Gershwin, car Weill ne joue pas sur l’artifice de la « couleur ». Ici, c’est l’Amérique toute entière qui s’engouffre.
Grâce soit donc rendue à Claude-Henri Bonnet, directeur de l’opéra de Toulon, d’avoir eu l’audace de monter cette œuvre lourde (une quarantaine de rôle) et étrangement méconnue. La solide mise en scène d’Olivier Bénézech est illustrative, fluide, efficace et sur la fin très émouvante. Il a insufflé une véritable homogénéité à une troupe d’acteurs-chanteurs globalement idoines, qui jouent à fond leur carte. Citons le polymorphe Laurent Alvaro, aussi à l’aise chez Weill que dans le Ring ou la Mélodie du Bonheur. Citons également la Rose douce et sensible de l’anglaise Ruby Hughes. Dans la fosse, le chef américain Scott Stroman tire le meilleur d’un orchestre de Toulon guère rompu à cette musique. Au terme de ce spectacle de bout en bout passionnant, on se demande pourquoi tous les directeurs de théâtres lyriques ne sont pas « descendus » à Toulon. Au lieu de resservir ad nauseam leurs sempiternelles salades baroqueuses et belcantistes, ils feraient bien de nous offrir Street Scene. A bon entendeur…