mercredi 24 octobre 2012

Critique des Fidélités dans L'Express (24 octobre 2012)

ePresse

Nicolas d'Estienne d'Orves revisite l'Occupation

 
Par , publié le
L'auteur réussit ici une fresque un peu chaotique mais richement documentée et feuilletonesque à souhait, où l'on croise Jean Marais, André Gide, Sacha Guitry, Darius Milhaud et l'écrivain collaborationniste Lucien Rebatet - dont Nicolas d'Estienne d'Orves, petit-neveu d'un célèbre résistant, n'est autre que l'ayant droit !

samedi 13 octobre 2012

Compte-rendu des Fidélités successives sur le site "les livres que j'aime"

Les fidélités successives, Nicolas d'Estienne d'Orves, Albin Michel

Fidelites-successivesFresque ébouriffante sur fond de Paris collabo. Guillaume est un gamin sensible, intelligent, doué pour le dessin et promis à un avenir d'artiste. C'est ce que pense son mentor, un parisien critique d'art qui passe toutes ses vacances sur l'île anglo-normande où vit Guillaume avec son frère ainé et ses parents, les châtelains ruinés du coin. Les frères grandissent et s'adorent mais pour l'amour de Pauline ils deviendront un jour rivaux.  Ce jour-là, après une violente dispute, Guillaume s'enfuit à Paris. Il a presque vingt ans, la guerre éclate et le laisse désemparé mais pas à court de ressources. Il va naviguer dans ce Paris interlope de l'Occupation comme un poisson dans l'eau jusqu'au jour où, comme tant d'autres, il basculera du côté des vainqueurs pour sauver sa peau. Roman historique et romanesque passionnant, ultra documenté, fourmillant de détails savoureux sur les trafics de l'époque. Les personnalités réelles se mêlent à la fiction et c'est génial. L'intrigue m'a enchaînée aux pas incertains de Guillaume. Oui il est lâche, peu scrupuleux, égoïste, oportuniste, futile et sans morale mais malgré tout furieusement sympathique. Guillaume fait tout, le pire comme le meilleur, avec une naïveté et une gentillesse déconcertantes. Trop jeune et pas encore "construit" il se cherche une identité dans un monde sans plus aucun repère. L'écriture brillante et habile donne un ton juste à ce récit, sans dramatiser ni accuser. L'auteur nous parle de ce passage à l'âge adulte pas si facile à négocier quand on est rêveur, exalté, livré à soi-même et dépassé par les évènements. Guillaume n'est pas un héros mais il est terriblement humain et c'est ça qui est bien.
J'ai adoré : le rythme, le style, le ton, ce qui fait une super histoire que l'on a plaisir à retrouver chaque soir avant de s'endormir. Il y a tout  dans ce roman, amour, haine, intrigues, anecdotes, humour, drames et larmes.
Les fidélités successives, Nicolas d'Estienne d'Orves, Albin Michel. 712 p 23,90€. En vente sur mon blog via Amazon.fr
Nicolas d'Estienne d'Orves, journaliste musical, a publié une vingtaine de romans dont Othon ou l'Aurore impossible Prix Roger Nimier 2002. Il a un talent de conteur étonnant.

Interview sur France Inter dans l'émission "Conduite accompagnée", en compagnie de GiedRe

France Inter

Cliquez sur:

http://www.franceinter.fr/emission-conduite-accompagnee-mathias-deguelle-recoit-nicolas-d-estienne-d-orves-accompagne-de-giedr


vendredi 12 octobre 2012

Critique des Fidélités dans "Le soir" de Belgique (12 octobre 2012)

Infidélités, entre Modiano et Dumas

Le 13 mai 1946, Guillaume Berkeley
est condamné à mort pour collaboration.
Le public accueille le verdict
en injuriant le coupable. Une journaliste
conclut :

« L’île de Malderney est en
deuil, mais la France se porte déjà mieux :
un nouveau traître va payer pour ses crimes.
»


Malderney est une île anglo-normande
ajoutée aux cartes géographiques
par Nicolas d’Estienne d’Orves. Guillaume
Berkeley est un personnage tout aussi
imaginaire. Et que la France se porte
mieux est une appréciation personnelle
(de la journaliste, pas de l’auteur) dont
chacun fera ce qu’il voudra. De préférence
après avoir lu les sept cents et quelques pages
d’un roman touffu et passionnant.
L’argument rejoint celui que Patrick
Modiano a exploré dans certains romans
situés à la même époque : une ambiguïté
fondamentale cultivée en des temps troublés
après lesquels on vous demandera
dans quel camp vous vous trouviez – et, si
vous n’avez pas de réponse, on vous la
fournira. Nicolas d’Estienne d’Orves s’éloigne
de Modiano par la manière dont il
traite le sujet, plus proche d’un Alexandre
Dumas capable de tenir un lecteur en haleine
le temps nécessaire à aller jusqu’au
bout du roman sans relâchement de l’attention.
Au départ, il n’y a guère plus qu’une connerie
de jeunes adultes encore adolescents
dans leur approche de l’amour. Victor
et Guillaume, des frères élevés dans le
culte de la littérature française, se disputent
leur demi-soeur Pauline dont ils sont
amoureux, tandis qu’elle reste dans l’ambiguïté
(elle aussi). Guillaume part à Paris
au moment de la déclaration de guerre, le
1

er septembre 1939. Installé chez son mentor
qui séjournait chaque année sur l’île
de Malderney, Guillaume hésite bientôt
entre sa fidélité à celui-ci, qui est juif, et le
monde des plaisirs aussi intellectuels que
sensuels dans lequel sa jeunesse et sa vivacité
d’esprit font merveille. Il a dix-huit
ans, il est prêt à tout pour se frotter aux
esprits les plus brillants de son temps, et
tant pis s’ils l’entraînent dans une direction
que son absence de convictions ne
l’aurait pas fait choisir.
Il côtoie le « meilleur » de la collaboration
intellectuelle, dîne aux tables les plus
fines, fréquente les femmes les plus aguichantes…
Alexandre Dumas veille : on côtoie
des écrivains et des artistes de renom,
saisis dans des moments si peu reluisants
de leur biographie qu’on est parfois surpris
de les trouver là et, en outre, on a
droit à plus de rebondissements qu’on
n’osait en espérer.

PIERRE MAURY

mardi 9 octobre 2012

Compte-rendu des Fidélités sur le Blog "La librairie fantastique"

lundi 8 octobre 2012

Les fidélités successives, de Nicolas d'Estienne d'Orves


 Je me suis embarquée dans la lecture d’un gros pavé intitulé Les fidélités successives, de Nicolas d’Estienne d’Orves, aux éditions Albin Michel. J’avais des à priori défavorables concernant cet auteur sans aucune raison valable, excepté qu’il écrivait avant des polars édités par Pocket. Qu’on s’entende, tous les polars édités par Pocket ne sont pas mauvais, loin de là, mais les couv’ n’était pas terribles, ni les résumés, et bon… voilà quoi, vous voyez je vous avais dit que c’était basé sur du vent.

M’enfin l’histoire des Fidélités successives, qui n’est pas un polar, me faisait des clins d’œil langoureux, me balançant des Cocteau, Picasso, Jean Marais et une histoire tragique de Seconde Guerre mondiale à la figure. Et puis, sans aucune raison non plus autre que psychologique, je suis irrémédiablement attirés par les gros pavés qui dans mon esprit sont toujours gage de qualité.



Bon, ben sachez que ça n’a pas raté, j’étais plutôt contente d’avoir pris la décision de le lire, parce que Les fidélités successive est un très bon roman.
Pour vous raconter en quelques mots, Les fidélités successives relate l’histoire de Guillaume Berckeley, artiste peintre, journaliste, écrivain, jugé pour ses crimes pendant la seconde guerre mondiale, sa collaboration avec l’Allemagne nazie, envoyé au bagne et suicidé dans sa cellule en 1949.

Simon Bloch, vieil ami juif des Berckeley, celui qui a découvert le talent de Guillaume dans son adolescence et lui a ouvert les portes de Paris, revient à Malderney – l’île natale de son ami - pour lire à son frère Victor et sa belle-sœur Pauline le manuscrit que le bagnard à laissé derrière lui avant de se donner la mort.
Le reste du bouquin se présente donc sous forme de mémoires. Loin de chercher à expliquer ses faits, à se justifier, à s’excuser, Guillaume se contente de raconter les faits tels qu’il les a vécu, simplement, avec tous les questionnements qui lui restent, et qui n’auront jamais de réponse.
Les fidélités successives ouvre alors deux intrigues, celle de l’histoire du trio Victor /Pauline/Guillaume, qui a poussé Guillaume à fuir Malderney, et celle de sa vie à Paris durant l’occupation allemande.

Ce qui m’a le plus intéressé dans ce roman c’est surtout le côté historique du livre. On découvre la France et Paris avant la défaite, puis pendant, et la vie que menait toute la clique des artistes français de l’époque. Des fuites de mai 1940 à la résignation des parisiens occupés, jusqu’à la collaboration passive de certains et la résistance cachées des autres… puis enfin la libération, violente, rageuse, exterminatrice. Guillaume à tout vécu, son parcours est atypique. Malderney étant une île (imaginaire) franco-normande au même titre que Guernsey et Jernsey, il est anglais mais parle français dans un pays en capitulation avec l’Allemagne et à présent en guerre contre les anglais. Pour survivre, il se fait naturaliser, fraye avec ceux qui tirent le mieux leur épingle du jeu, se met sans vraiment le chercher dans les petits papiers de l’ambassade allemande et se retrouve aux tables de Göring et de Céline. Photographié avec les plus puissants occupants, il n’est pourtant pas un vrai collaborateur : il devient le meilleur ami d’un juif homosexuel antisémite qu’il héberge dans le vieil appartement de son ami en fuite Simon Bloch, trempe dans le marché noir pour mettre du beurre dans les épinards, puis lorsque Pauline vient le retrouver et lui demande de résister, il se lance dans le double jeu…


Allemands sous l'occupation, qui se prennent un p'tit kawa.
Un cheminement en demi-teinte, puisqu’il est à la fois collaborateur et résistant, entraîné malgré lui dans les combines les plus louches et les faits les plus héroïques. La particularité du parcours du Guillaume est surtout qu’il ne cherche qu’à vivre. Sa passion est l’art, alors il devient chroniqueur d’art dans un journal collaborateur. Son statut d’anglais le désigne comme le nouvel ennemi à abattre alors il se fait naturaliser en échange de service pour l'empire allemand… et il fait tout ça de façon candide, naïve, sans arrière-pensée, sans être mauvais. Il n’a rien contre les juifs, n’a rien contre les français, n’a rien contre les allemands, n’a rien contre les anglais, il veut juste vivre à paris, continuer de côtoyer les plus grands, manger aux tables de Jean Cocteau, Sacha Guitry, Jean Marais, et oublier les dégradations intellectuelles que les plus grands penseurs infligent à leur temps pour ne retenir que la beauté de Paris et son histoire culturelle.

L’histoire du trio amoureux que forment Guillaume, Pauline et Victor sert et dessert le livre à la fois. Pauline est la demi-sœur par alliance des deux frères. New-Yorkaise, mais aussi de Malderney, elle les rejoint à ses dix-huit ans, et se met à jouer avec les sentiments des deux frères. D’inséparables ils vont vite devenir rivaux et une haine profonde va s’installer. C’est cette rivalité qui va précipiter le départ de Guillaume pour Paris, pour oublier Victor et Pauline. Bon bien-sûr l’histoire ne s’arrête pas là, c’est un poil les feux de l’amour parfois dans tout ça… ! Mais cette romance permet de donner un fil rouge à l’histoire, car finalement ce qui relie les trois personnages est aussi ce qui va pousser Guillaume à sa perte.

Alors voilà, on est plongé dans une ambiance parisienne des plus étranges. Chaque table de restaurant, chaque banquette de cabaret regorge de collaborateurs ou d’allemands. L’aventure de Guillaume nous emmène des les festins et les soirées les plus pimpantes du Paris occupé, alors que le reste de la population souffre et ne sait pas sur quel pied danser ; des familles de juifs se font rafler et la population se barricade derrière ses volets avec ses maigres tickets de rationnement, les rues sont désertes, le couvre-feu donne des sueurs à tous les promeneurs nocturnes, et les escouades d’allemands s’imposent dans chaque établissement en territoire conquis avec une vulgarité et un mépris de plus en plus flagrants. Guillaume lui se laisse porter, nous emporte avec lui, et on lit son récit emplis d'émerveillement et de dégoût.


Arrestation de Sacha Guitry en 1944,
comme de nombreux artistes après la libération


C’est le second livre que je lis sur cette période de l’histoire. Le premier était Alibi Club, un polar historique qui se passe durant les deux mois précédents l’arrivée des allemands à Paris, puis les quelques semaines après leur intrusion. Son intrigue policière permettait de rencontrer tout un tas de personnages aussi sombres et ambigus que ceux des Fidélités successives, et des faits qui se sont passés dans l’ombre de l’histoire dont on n’avait jamais entendu parler.

Ah, il est loin le temps où l’on nous apprenait seulement la grande Résistance française, passant la collaboration et la noirceur de l'occupation sous silence. Aujourd’hui, les enfants commencent enfin à apprendre le rôle de la France dans cette guerre, qui n’a pas été faite que de résistance. Tout n’était pas blanc, tout n’était pas noir, Les fidélités successives nous fait voir l’histoire autrement, dans ce qu’elle a de plus beau et de plus pourri.

Bref, je vous laisse aller jeter un coup d’œil à ce roman en librairie, il a accompagné mes esprits pendant quelques jours après l’avoir lu, comme si j’avais regardé le soleil un peu trop longtemps et que je n’arrivais pas à me défaire de son empreinte, un gage de qualité selon moi.