lundi 29 novembre 2010

Mon portrait chinois dans "Point de Vue" (novembre 2010)

clisez ça ou alors cliquez sur :


et c'est tout!

ps: bon, c'est vrai, la photo fait un peu "tête à claque", mais bon...

lundi 4 octobre 2010

Show Boat tient le bon cap (Figaro, 4/10/2010)


Show Boat, c'est la matrice. Une vue de l'âge d'or. L'éden où tout a commencé. Sans Show Boat, la comédie musicale américaine serait restée un divertissement de music-hall, un carnaval de revues. Avec Show Boat, le théâtre musical d'outre-Atlantique est entré dans l'âge d'homme. Il fallait pourtant bien du culot pour oser monter, en 1927, un musical parlant de couples à la dérive et de ségrégation raciale, sur un bateau théâtre du Mississippi. Ce pari, le compositeur Jerome Kern, le librettiste Oscar Hammerstein et le producteur Florenz Ziegfeld l'ont remporté en adaptant le best-seller de la romancière Edna Ferber. Lors, des mélodies comme Make Believe , Can't Help Lovin'Dat Man ou (bien entendu) Ol'Man River , ont fait le tour du monde, souvent reprises par maints jazzmen qui en ont donné d'infinies variations. Malgré cette aura quasi mythique, Show Boat reste méconnu des Français. Très tôt monté au Châtelet par Maurice Lehmann, en 1929, dans une version traduite et baptisée Mississipi (avec un seul «p» !), le chef-d'œuvre de Kern et Hammerstein n'a plus guère connu l'honneur des scènes françaises. Devant la pétaradante production de l'Opéra de Cape Town, on peut espérer que la belle endormie va se réveiller et souvent revenir nous voir.
Créé en Afrique du Sud en 2005, ce spectacle brille par sa cohérence et son esprit de troupe. Il va sans dire que les thèmes abordés ne pouvaient que trouver un écho dans un pays où plane encore l'ombre de l'apartheid. Ce Show Boat du Cap obéit donc à une véritable urgence, laquelle est presque toujours présente sur la scène du Châtelet. Certes, on pourra pinailler sur telle ou telle voix, pointer une direction orchestrale pas toujours bien subtile, une sonorisation parfois hasardeuse ou un Orchestre Pasdeloup qui n'a pas le verni de ce répertoire, mais ne boudons pas notre plaisir. Il y a ici un allant, une joie et un engagement de chaque instant. Tout comme dans l'œuvre elle-même, les parties dramatiques sont les plus réussies. Lorsque le vieux Joe chante sa complainte Ol'man River, avec un chœur d'anciens esclaves, on ne peut oublier que ces artistes viennent tous d'Afrique du Sud et que cela fait singulièrement sens. Le «couple noir» Queeni et Joe (Miranda Tini et Otto Maidi) a d'ailleurs remporté une véritable ovation.
Espérons maintenant que les Parisiens réalisent leur bonne fortune. Après des décennies où la (vraie) comédie musicale était le parent pauvre des théâtres français, le Châtelet de Jean-Luc Choplin nous en offre les plus beaux fleurons, dans des conditions quasi inespérées (langue originale, vrais chanteurs, vrais orchestres). Après Candide, On The Town, Sound of Music ou Little Night Music, ce Show Boat ajoute une nouvelle pierre à l'édifice. Rêvons maintenant à Oklahoma !, Kiss me Kate, Girl Crazy, South Pacific ou Carmen Jones et espérons, espérons, espérons. Comme on chante sur le Mississippi: «make believe»…

samedi 11 septembre 2010

William Christie est toujours debout! (Les Echos Série Limitée, été 2010)


L'autre Buffalo Bill

Nul n'est plus fanatique qu'un apostat, qu'un converti : voyez saint Paul, l'empereur Julien, le père Claudel. De même, nul n'est plus français que William Christie. Alors que les Hexagonaux ont pour marotte de dédaigner leur sol, l'Américain William Lincoln Christie défend depuis quarante ans le drapeau bleu-blanc-rouge avec une fougue de gai martyr.
Il y a pourtant du chemin, depuis la ville de Buffalo, où il naît le 19 décembre 1944, jusqu'à sa récente intronisation à l'Académie des Beaux-Arts. Tout commence par des pièces chorales du Grand Siècle, que madame mère dirige à la tête d'un petit ensemble vocal, dans les années 50. Aussitôt, Bill est touché par la grâce. Vient alors la découverte de quelques enregistrements de Couperin, et l'homme est convaincu : le salut viendra de l'Est, sous les ors de Versailles. Ajoutez à cela des diplômes à Harvard et Yale, les cours des clavecinistes Ralph Kirkpatrick et Kenneth Gilbert, et le voilà mûr pour le vieux monde.
William Christie s'installe en France en 1971. On dit qu'il fuit alors l'enrôlement pour la guerre du Viêt Nam. Si la chose est vraie, l'Amérique gagne un déserteur mais la France, un zélateur. Car le claveciniste s'immerge aussitôt dans les abysses du répertoire baroque, voulant creuser la voie ouverte par ses aînés Gustav Leonhardt et Nikolaus Harnoncourt. Ceux-ci ont dépoussiéré Bach et ses contemporains de leurs oripeaux romantiques. William Christie désire pour sa part abraser la musique française. Il entend même faire mieux : non point restaurer mais recréer. Avec Christie - du moins au début - nous ne sommes pas dans l'archéologie, dans la résurrection factice, mais devant une démarche artistique globale, laquelle veut retrouver des voix enfouies depuis des siècles, et montrer leur modernité, leur contemporanéité. Nous ne sommes pas dans la conservation, mais dans l'éclosion, le bourgeonnement. Les Arts Florissants de Marc-Antoine Charpentier est donc l'oeuvre rêvée pour baptiser cet ensemble vocal qui, depuis trente ans, n'en finit pas de dire " Lève toi et marche " aux Lazare du répertoire baroque.
C'est toutefois au début, dans les années 80, que les Arts Flos ont toute leur raison d'être. L'apothéose étant incarnée par ces fameuses représentations d'Atys de Lully, à l'Opéra Comique à Paris, dans la fameuse mise en scène de Jean-Marie Villégier, en 1987. Si l'on en croit la critique de l'époque : c'était comme retrouver un inédit de Flaubert, une toile cachée de Vermeer, un film inconnu de Welles. Aujourd'hui encore, tout révisionnisme est proscrit. Si certains osent enfin chuchoter s'y être ennuyés ferme, ils le disent à mi-voix, craignant les imprécateurs. Car si Atys a marqué les consciences, ce spectacle a également cimenté la toute puissance de la vogue baroqueuse sur le monde musical français. Lors, toute résurrection du moindre petit maître versaillais a été présentée comme un chef-d'oeuvre. Sur les quelques soixante-dix enregistrements des Arts Florissants, beaucoup sont magistraux (Rameau, Couperin, Charpentier) mais il reste aussi de vrais pensums et il fut longtemps interdit de l'admettre. De mouvement esthétique, le baroquisme est devenu une mode où tout le monde s'est engouffré. La matrice " Atysienne " a même accouché de maints grands noms de la scène actuelle : Christophe Rousset, Hervé Niquet, et bien entendu Marc Minkowski. Ce dernier a vite volé de ses propres ailes, bien décidé à tuer le père. C'est que, dans cette corporation très masculine et volontiers incestueuse, le parricide est un rite établi. Le champ est trop étroit pour que le partage se fasse sans guérilla. Chefs d'orchestres, journalistes, producteurs de disques, tous fument souvent le même calumet, créant d'inexpugnables baronnies, qui se surveillent en chiens de faïence, attendant de voir comment l'ennemi va se tirer de tel opéra de Rameau ou de tel oratorio de Händel.
De ces Atrides, William Christie a toujours su se dépêtrer. Contrairement à ses cadets, il n'a jamais cherché à changer de répertoire, à plaquer ses canons esthétiques sur Debussy, Wagner, Rossini, Massenet. Est-ce un mal ? Le débat n'est pas ici, et les enregistrements offenbachiens de Marc Minkowski prouvent que la battue baroque épouse admirablement les frénésies de Badinguet. Disons que Bill Christie est resté fidèle à ses rêves de jeunesse, ne changeant jamais de voie ; à l'image de Thiré, cette propriété de Vendée qu'il a rachetée en 1985 et dont il n'a cessé de peaufiner le jardin, tel un work in progress n'ayant de raison d'être que par son inachèvement.
À l'heure où le trublion des Arts Flos vient d'entrer sous la Coupole, on peut toutefois s'interroger. Sans doute est-ce une coquetterie, pour cet homme qui possède la nationalité française depuis 1995. Le vibrionnant Bill a-t-il sa place parmi les momies du quai de Conti ? Qu'apporteront les mânes des compositeurs Georges Hüe ou Théodore Dubois, à celui qui a ravivé Lully, Rameau et Charpentier ? N'est-ce pas une façon de nous dire qu'il tire sa révérence ? Que sa boîte aux trésors est tarie ? Que le vivier baroque a épuisé son suc ? Étrange mise en abyme : l'Opéra Comique ressuscitera en mai prochain la mythique tragédie lyrique Atys de Jean-Baptiste Lully grâce à la générosité d'un milliardaire américain, Ronald Stanton, qui ne l'avait pas vu à l'époque. Tout ayant été détruit, décors et costumes vont être recréés ex nihilo. Bien sûr, Bill et ses Arts Florissants seront de la fête. Le champion de l'exhumation pratiquera donc son autorésurrection, appliquant à lui-même un traitement qu'il a expérimenté pendant quatre décennies sur des compositeurs défunts depuis trois siècles. Après avoir été une légende de l'Ouest, Buffalo Bill a joué son propre personnage dans un cirque. Certes, le Bill de Buffalo n'en est pas là, mais attention ! Apothéose académique, autocélébration nostalgique : à tant vouloir se couler dans le marbre de l'histoire officielle, le père des Arts Florissants ne risque-t-il de perdre son âme ? Les ailes des anges ne sont jamais faites de bronze, sinon dans les musées.

mardi 31 août 2010

Villazon côté jardin (Figaro, 30 août 2010)



L'année 2010 marque un tournant pour Rolando Villazon. Après une ­absence d'un an due à des problèmes de santé vocale, le ténor franco-mexicain a fait son grand retour sur les scènes internationales. À l'occasion de la ­sortie de son album «Mexico» (le 6 septembre, chez Deutsche Grammophon), le vibrionnant chanteur accorde au Figaro une interview bilan.


LE FIGARO. - Quelle est la genèse de ce récital consacré à la mélodie populaire mexicaine?

Rolando VILLAZON. - À l'origine, je voulais proposer une anthologie de la chanson mexicaine, de l'époque précolombienne à nos jours. Mais un CD n'est pas un traité d'histoire ; ça doit toucher au cœur. Alors j'ai décidé de chanter les chansons que j'entendais au Mexique lorsque j'étais enfant. Elles font, à vrai dire, bien plus partie de moi que Haendel, Schumann ou d'autres compositeurs découverts durant mes dix ans de carrière lyrique…

Pour ces mélodies populaires, vous avez choisi des orchestrations intimistes…

Je ne voulais pas faire un disque avec un grand orchestre, et encore moins des arrangements pop. Des chansons comme Besame mucho ou Cucurrucucu paloma sont des classiques en soi, au message universel.

Sortir ce disque en 2010 est-il volontaire?

Le 15 septembre, le Mexique fêtera ses 200 ans d'indépendance. C'est une fête joyeuse et bruyante : toutes les cloches sonnent, il y a des feux d'artifice, des mariachis ; le président sort sur son balcon et crie: «Viva Mexico!»; la ­foule répond: «Viva Mexico!! ». C'est une année très symbolique.

Vous sentez-vous des devoirs envers la culture mexicaine?

Ce n'est certainement pas le but du disque. Je cherche avant tout à faire plaisir. Chaque artiste doit se penser comme un cadeau à un inconnu. Il ne faut pas pour autant essayer de plaire au public, ne pas se conformer à une image fausse de soi-même, ne pas se dénaturer, mais rester fidèle à ce qu'on est. Contrairement à un cliché récurrent, nous ne sommes pas des personnages de fiction…

Vous êtes au contraire de chair et d'os, ce qui vous a d'ailleurs contraint à faire une pause pendant un an pour raison de santé ; qu'avez-vous eu?

Un kyste aux cordes vocales. J'ai été soigné par le même ­médecin que la soprane Natalie Dessay. La convalescence a été ­longue, il m'a fallu beaucoup de pa­tience pour ne pas parler pendant des jours, et la voix est revenue. C'est un moment de ma carrière, voilà tout…

Est-ce fréquent chez les chanteurs?

Beaucoup plus qu'on ne le dit. Il y a comme un tabou à ce sujet, mais on devrait en parler plus. Après tout, ce n'est pas un pro­blème de vie ou de mort !

Comment le milieu musical a-t-il réagi à l'annonce de cette pause dans votre carrière ?

Ils ont été très compréhensifs. Contrairement à ce que la presse a voulu laisser entendre, je n'ai subi aucune pression de mon agent ou de ma maison de disques, je n'ai perdu aucun contrat. J'ai même passé une année extraordinaire!
Quand avez-vous su que vous étiez guéri?

Un soir, je suis allé dans la chambre de mes enfants et je leur ai chanté une berceuse. J'ai alors pleuré en me disant: «Ça y est, j'ai réussi»…

Pendant votre convalescence, qu'avez-vous fait?

J'ai énormément lu, dans tous les genres. Par exemple : Contrepoint, de Huxley, des œuvres de Bolano, une histoire de la philosophie occidentale ou encore Nabokov : Feu pâle, quel chef-d'œuvre! Et j'ai même commencé à écrire un roman. C'est l'histoire d'un clown et d'un philosophe. Mais je ne peux pas encore en parler; il est trop tôt.

Pour vous qui avez dans votre jeunesse songé à devenir prêtre, la foi a-t-elle été une béquille durant cette période ?

Disons que pendant un an j'ai lu beaucoup de philosophie analytique et de théologie, ce qui m'a aidé à résoudre quelques doutes existentiels. J'en suis arrivé à une conclusion très simple: qu'il y ait une âme ou non, peu importe, il n'y aura jamais de message clair. Je préfère pencher du côté de l'humanisme et parler du droit humain… Le reste n'est que mythologie.

Et aujourd'hui, que lisez-vous?

Pour mon roman, je me passionne pour la vie des grands clowns. Je lis en ce moment Nous, les Fratellini, après avoir lu la biographie de Grimaldi, de Grock, de Charlie Chaplin… La figure du clown est fantastique en ce qu'elle dit la vérité et questionne notre façon de penser. Le clown nous rend fous, mais il finit toujours par vaincre, car lui seul comprend la logique des situations les plus illogiques. Il est héroïque, inutile et fantastique dans son inutilité même: il reste debout. Le clown se situe entre l'ordre et le chaos, comme la philosophie est entre la théologie et la science, ou la poésie entre le langage et la cacophonie…

Quelle est la leçon à tirer de cette année de pause?

Que l'artiste doit toujours rester inventif et ne pas devenir esclave de son image. Dans mon cas, cela signifie arrêter de lire ce qu'on pense de moi et continuer, que ça plaise ou non. La scène n'est pas un lieu où l'on se cache. Pour rester artiste, il faut prendre des risques, se mettre en danger, faire des folies : c'est la seule façon d'apprendre, de progresser. Lorsque j'ai décidé de chanter les Dichterliebe de Schumann, on m'a dit: «Ce n'est pas pour toi.» Et alors?! Dans la partition, il n'est pas écrit: «réservé à un ténor allemand ou bien à Dietrich Fischer-Dieskau»… C'est justement là que l'artiste doit tenter de trouver autre chose. Je ne suis pas un boy-scout, pas un bon élève. Au contraire: je dois être rebelle à moi-même, à ma propre tranquillité.

Y a-t-il une angoisse à reprendre le chemin de la scène?

Bien entendu. Mais notre métier est fondé sur le trac, et c'est ce qui fait sa beauté : le trac des débuts ; le trac du chanteur confirmé qui ne veut pas décevoir ; le trac d'un retour après une pause… C'est un permanent apprentissage de la vie intérieure… D'une manière générale, j'embrasse tout ce qui m'est arrivé, en bien comme en mal. Je suis content de ma vie, de ses succès comme de ses défaites.

Pour ajouter une corde à votre arc, vous allez maintenant mettre en scène Werther à l'Opéra de Lyon, l'hiver prochain…

Oui, c'est un projet auquel je pense depuis bientôt deux ans. Au cours d'une répétition à Berlin, j'ai avoué que j'avais mes propres idées sur la mort de Werther, que je trouve toujours longue et fastidieuse. On m'a dit: «Pourquoi ne le mettriez-vous pas en scène, un jour?» J'ai plus tard rencontré Serge Dorny, le directeur de l'Opéra de Lyon, qui m'a relancé à ce sujet. Au début, j'avais même pensé mettre en scène et jouer le rôle-titre, mais ça m'a vite semblé impensable, avant tout par respect pour les autres chanteurs…

D'une manière générale, vous aimez décloisonner les genres et les activités…

Parce que j'essaye de briser les fron­tières: je suis un étranger partout et je suis toujours chez moi où je vais.

Mais vous restez avant tout parisien.

Je ne quitterai Paris que pour la tombe!

jeudi 3 juin 2010

Quelques images du Cocktail sanglant mis en scène par Emmanuel Giraud pour la sortie de "Coup de fourchettes"


un cadavre en plein coeur
un auteur ensanglanté

un corps boudiné


Emmanuel Giraud, après l'assaut

langue fourrée


chassez le cannibalisme, il revient au galop

pour en savoir plus, en images, en sons et en sang, rendez-vous sur