
Les « spécialistes » sont une race à part. Une ethnie à lunettes, à chignon, à  veston cintré, aux lèvres pincées, aux regards appuyés, à l’ellipse hautaine, au  sous-entendu constant… Des gens pas comme les autres, quoi. Des gens qui savent.  Dans les musées, vous les repérez facilement : ce sont ceux qui parlent plus  fort, pour faire taire les béotiens ; ou qui chuchotent, pour attirer  l’attention sur leur méticulosité, leur science, leur incontestable supériorité.  Sous couvert d’un documentaire sur le peintre Raphaël, cet épisode de la série documentaire La Vie cachée des oeuvres est avant tout une savoureuse plongée  dans l’étrange secte des connaisseurs. Certes, on apprend ici maints détails sur  Raphaël, son temps et ses techniques (excellentes animations pédagogiques, façon  Shadoks, d’ailleurs)… mais avouons qu’on s’en tape un peu. Ici, ce qui est intéressant, c’est le panel zoologique. Les caméras ont filmé une « journée  Raphaël » au Louvre, où une poignée de privilégiés a été autorisée à venir  manipuler les oeuvres du maître, avec des gants de chirurgiens et des théories bien arrêtées. Ces travaux pratiques sont émaillés de conférences, de débats, de controverses, où chacun y va de sa théorie, de ses petites idées, de son « moi je ». Et tout cela se tortille, dandine du croupion, glousse comme des petits  marquis, sautille avec une vigueur de gambas à la plancha. Au terme de la  journée, en saventils plus sur leur idole ? Pas vraiment. Ont-ils accepté des  théories autres que les leurs ? Rien n’est moins sûr. Mais chacun est venu faire son tour de piste, gonflé de son importance, bouffi de ses certitudes. Et Raphaël, dans tout ça ? Il va très bien, merci. 

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